Lettre ouverte à Mr François-Bernard Huyghe Directeur de recherches – Institut des relations internationales et stratégiques

Monsieur, 

Ce jour, lors d’une émission sur la chaîne CNEWS, vous avez déclaré que Stephan Bandera était l’allié de la Wehrmacht durant la seconde guerre mondiale.  L’Union des Ukrainiens de France reconnaît à tout un chacun le droit d’exprimer son opinion,  toutefois sans rester passive devant des déclarations qui sont contraires à des faits établis.

Votre opinion au sujet de Stephan Bandera est largement exprimée par le FSB (et par Poutine,  en personne). Il est vrai que la collaboration avérée de « l’armée russe de libération » de Vlassov ou la SS russe de l’odieux Kaminski sont passées sous silence. 

L’essentiel est de discréditer l’Ukraine  et les Ukrainiens. 

Si vous l’ignoriez, Stephan Bandera ainsi que les hauts responsables de son mouvement furent arrêtés après la proclamation de la restauration de l’état ukrainien (Lviv, le 30 juin 1941, l’invasion de l’URSS date du 22 juin 1941) et furent internés dans le camp de concentration de Sachsenhausen jusqu’en septembre 1944. En juillet et août 1941, de nombreux « Banderovistes » furent arrêtés. 

Le 25 novembre 1941, le SD nazi donna l’ordre d’arrêter les « Banderovistes » et de les fusiller sans jugement.  Cet ordre figure parmi les documents d’accusation du procès de Nuremberg sous le numéro 014-USSR numéro 7.

La devise des « Banderovistes »  était : Liberté pour les peuples et pour les hommes,  la ligne politique était : Ni Moscou,  ni Berlin.

Pouvez-vous, Monsieur, prétendre que Stephan Bandera était l’allié de la Wehrmacht ?

Bohdan Bilot, Président de l’Union des Ukrainiens de France

Paris, le 10 avril 2022

Lettre adressée au médiateur de Radio France relative à la « Revue de presse internationale » des Matins de France Culture

J’ai été véritablement interloqué par la « Revue de presse
internationale » des Matins de FC, le 13/04/2021. Alors que la
Fédération de Russie masse à la frontière ukrainienne des centaines de
milliers de soldats, des milliers de chars, des centaines d’avions de
combats, fait venir des navires de débarquement du grand nord, que les
médias du Kremlin ont élevé de plusieurs crans le torrent d’injures,
d’insultes et de menaces qu’ils déversent en permanence sur l’Ukraine,
que l’inquiétude des pays occidentaux est au plus haut, que sans aucune
ambigüité le G7 demande à la Russie d’arrêter ses provocations, de même
que la Ministre allemande de la Défense, que le Président
ukrainien est attendu à l’Élysée pour une réunion de crise, l’auteur de
cette revue de presse ne trouve rien de mieux que de ridiculiser le
Président ukrainien (au motif qu’il visite la ligne de front, où
plusieurs soldats ukrainiens ont été tués ces derniers jours, avec
casque et gilet pare-balles), et se fait dans la tradition de cette
matinale le relais des propos des porte-voix les plus outranciers du
Kremlin (tels que Dimitri Kiselyov, ce qui est à peu près comme relayer
sans malice les propos de Goebbels en 1938).

1938 est le seul point de comparaison pertinent avec l’agression
« hybride » de 2014 qui risquent aujourd’hui de se développer en agression
ouverte. Non seulement parce qu’aucun état européen n’en avait envahi un
autre et annexé certains de ses territoires depuis 1945. mais aussi par
la méthode, les procédés, les arguments et l’idéologie sous-jacente :
construction de motifs imaginaires pour justifier l’attaque par un état
surpuissant d’un état beaucoup plus faible, sous le prétexte fabriqué
qu’une minorité linguistique serait en danger, invention de toutes
sortes de complots faisant de l’État qu’on veut détruire la simple
marionnette de puissances hostiles (ici l’OTAN, les États-Unis, l’UE,
l’Allemagne…). Comme le « Parti des Allemands des Sudètes », des
structures ad-hoc créées ex-nihilo, les « républiques populaires » de
Donetsk et de Luhansk, appellent le grand frère au secours pour les
protéger de menaces imaginaires.

Comme en 1938, la veulerie médiatique occidentale, qui relève de la
lâcheté et/ou de la connivence avec l’agresseur, se manifeste par
l’absence totale de tout travail journalistique, à quelques exceptions
près. Aucun fait n’est vérifié ni même mentionné, on se contente de
juxtaposer des déclarations, avec une prétention à la neutralité et à
l’impartialité qui permet de mettre sur le même plan les inquiétudes des
responsables ukrainiens et les imprécations et menaces de Lavrov ou de
Kiselyov. Ainsi, un Camille Magnard, après avoir ricané sur la visite
médiatisée du Président sur la ligne de front (« Et quoi de mieux pour
cela, que de mettre en scène ces appels à l’aide. », ou encore « Le
Président est habillé en treillis militaire, casque sur la tête, comme
s’il se préparait lui-même à l’assaut. »), reproduit sans aucun
commentaire les propos de Lavrov (« La réponse est très simple, nous
vivons là-bas, c’est notre pays », rien moins que ça), et les propos de
Kiselyov : « Le présentateur qualifie l’Ukraine d’état nazi. La Russie,
assène t-il, pourrait n’avoir d’autre choix que de le dénazifier par la
force ». On se prend à se demander s’il fallait, pour que Camille Magnard
émette enfin une opinion, qu’un ministre allemand des Affaires
étrangères déclare « L’Alsace, c’est notre pays », ce qui après tout ne
serait pas sans aucun fondement, puisque l’alsacien est un dialecte
allemand.

Camille Magnard, quoique statutairement journaliste, n’a donc pas
d’opinion sur des choses aussi graves. Il ne cherche pas à vérifier des
faits, mais se contente de juxtaposer des propos de son choix. Quoique
voyant passer par sa fonction tout ce qui se publie, il n’a pas intégré
par exemple que dès 2016, plus de 50 unités régulières de l’armée russe
avaient été formellement identifiées comme ayant combattu en Ukraine, ou
qu’un Buk de la 53ème brigade de défense anti-aérienne de la Fédération
de Russie avait abattu un avion de ligne de la Malaysian Airlines. Il
n’est pas le seul. Ce genre de myopie volontaire permet aux médias de
continuer à rendre compte d’un conflit de plus de 7 ans dans des termes
comme « conflit de Kiev avec des séparatistes pro-russes probablement
soutenus par la Russie, ce que celle-ci dément formellement », c’est à
dire’ exactement dans les termes dont le Kremlin veut qu’il en soit
rendu compte.

J’ai tendance à penser que le journalisme suppose une relation aux faits
et la volonté de les vérifier. Ce n’est assurément pas ce qui
caractérise Camille Magnard, mais il n’est pas isolé. Je tiens depuis
plusieurs années le journal de la malveillance récurrente autant que
surprenante de l’équipe des Matins de FC vis à vis de l’Ukraine, et en
particulier celle de Guillaume Erner, avec des temps forts tels que la
matinale du 27/11/2018 consacrée à l’incident du détroit de Kertch. Il y
a là un sujet qui mériterait qu’on s’y intéresse de plus près.

Merci de l’attention que vous voudrez bien porter à ce texte.

Jean-Marc Weremienko