Lviv, le 30 juin 1941

Le 30 janvier 1933, le Président de la République d’Allemagne, Hindenburg, appelle à la Chancellerie Adolf Hitler  (Führer du parti national socialiste allemand) afin qu’il forme un nouveau gouvernement. Le 2 août 1934, Hindenburg décède, Hitler en profite pour supprimer la fonction de Président de la République et s’octroie tous les pouvoirs. Hitler n’est pas encore l’esprit démoniaque qu’il deviendra plus tard en exterminant des millions d’êtres humains.

Dans une recherche de solutions des problèmes politiques, Daladier et Chamberlain entretenaient des relations avec Hitler ; cela aboutira aux honteux accords de Munich qui sont le plus parfait exemple de veulerie et de félonie. Staline et Molotov, hormis des accords commerciaux avec le 3ième Reich, peaufinaient la signature du prétendu pacte de non agression avec Hitler. Il s’agissait d’un véritable pacte de collaboration avec l’Allemagne nazie dont le but inavoué était de se partager l’Europe. De nombreux leaders indépendantistes des pays colonisés par l’Angleterre, la France, se rendaient à Berlin afin d’y trouver un éventuel soutien dans leur lutte pour une indépendance. On pourrait élargir à foison la liste des visiteurs et solliciteurs.

L’Organisation des Nationalistes ukrainiens (OUN), conduite par Stepan Bandera, consciente que le pacte Hitler/Staline n’aurait qu’un temps et que la confrontation des deux Etats totalitaires était imminente. Seul le père du peuple, Staline, en doutait malgré les rapports aussi fréquents qu’alarmistes qui lui étaient remis.

Les Nationalistes ukrainiens, circonspects quant aux visées allemandes relatives à l’Ukraine, adressèrent un mémorandum aux autorités allemandes. L’OUN de Bandera écrivait explicitement que, politiquement, l’Ukraine ne se situait pas entre l’Allemagne et la Russie, mais entre l’Allemagne et l’Angleterre ce qui signifiait clairement que l’Ukraine entendait être indépendante et libre de ses choix. En cas d’invasion de l’Ukraine, si un Etat ukrainien libre et indépendant n’était pas proclamé, la situation se dégraderait rapidement. L’occupation militaire deviendrait intenable. Il est probable qu’Hitler n’ait pas eu connaissance de ce mémorandum. Le ton du mémorandum jugé comminatoire par la Chancellerie et par le Ministère des Affaires étrangères du Reich a été mal perçu.

Survint le 30 juin 1941, à 4H20 du matin, les troupes allemandes entrèrent dans Lviv sans livrer le moindre combat. Dans l’après midi, Iaroslav Stetzko, adjoint de Bandera, arrivait à Lviv. Il avait pour mission de proclamer la restauration d’un Etat ukrainien libre et indépendant et d’organiser l’exécutif de cet Etat. Ce même jour, à 20H00, dans une salle pleine à craquer, des représentants de la Société civile de Lviv et des environs adoptaient, à l’unanimité, le projet de proclamation de la restauration de l’indépendance de l’Ukraine.et élisait Iaroslav Stetzko  à la tête du gouvernement.

Le 9 juillet, Iaroslav Stetzko  a été arrêté et interrogé par le Chef du SD (Service de Sécurité) de Lviv, puis transféré à Cracovie (Pologne) pour un nouvel interrogatoire et ensuite à Berlin pour être interrogé par un colonel de l’Abwehr.  Il fut interné dans le camp de concentration de Sachsenhausen où il séjournera avec Bandera et d’autres dirigeants nationalistes ukrainiens.

Des organisations chauvinistes russes et juives accusent les Nationalistes ukrainiens d’avoir pris part aux pogroms qui se sont déroulés  à Lviv durant l’été 1941 et que des documents attestant ces faits se trouvaient à l’Institut israélien Iad Vachem. Après vérification, il ne se trouve  aucun document qui atteste de la participation des Nationalistes ukrainiens à ces pogroms.. Quant à la participation des Nationalistes ukrainiens au génocide juif, en 1954, le congrès des Etats-Unis, après une enquête approfondie, conclut que cette  organisation n’a, en aucun cas,  pris part au génocide des Juifs. De la même façon, dans les documents  du procès de Nuremberg, il n’y a aucune trace de condamnation de la prétendue collaboration de l’OUN avec les Nazis. En revanche, dans les archives du 3ième Reich, on trouve des sommations adressées au Service de Sécurité leur enjoignant de fusiller, sur place, les partisans de Bandera.

1939-1945 ou 1941-1945 ?

Les citoyens de la Russie actuelle commémorent la victoire sur le nazisme le 9 mai, pour eux la guerre  a duré de 1941 à 1945. Les Nations Unies (les alliés) commémorent cette même victoire, mais pour une autre guerre qui s’est déroulée de 1939 jusqu’au 8 mai 1945.

Pour l’Institut d’Histoire de l’Académie des Sciences de l’URSS, « la grande guerre patriotique » est datée de 1941 à 1945. De ce fait, le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 est jeté aux oubliettes de l’histoire. En réalité, la connivence entre les deux dictatures avait commencé le 19 août 1939 avec la signature d’un accord commercial. Celui-ci garantissait au 3ième Reich la livraison de matières premières qui lui faisaient cruellement défaut en échange d’équipements civils et militaires. En juin 1940, les termes de l’accord furent amplifiés et le 3ième Reich reçut encore plus de matières premières, de pétrole et de céréales.

Le pacte de non-agression, hormis celle-ci, contenait un protocole secret qui consistait à se partager plusieurs pays d’Europe orientale. (A ce titre, il convient de mentionner qu’en février 1945, les mêmes Soviétiques, mais avec d’autres protagonistes, décidaient du sort de l’Europe à Yalta et obtinrent la main mise sur l’Europe centrale et orientale).

Le 1er septembre 1939, l’Allemagne nazie (qui s’était retirée de la SDN), envahit la Pologne sous divers prétextes dont l’un était la protection des Allemands ethniques. Le 17 septembre 1939, à son tour, l’URSS envahit la Pologne (sans déclaration de guerre) et, ainsi qu’ils l’avaient projeté, les deux dictatures purent satisfaire leurs appétits territoriaux. En novembre 1939, l’agression contre la Finlande valut à l’URSS d’être exclue de la SDN (Société des Nations). Le 25 décembre 1939, dans la Pravda, Staline célébrait l’amitié sovieto-nazie scellée par les liens du sang. L’URSS a reconnu et entretenu des relations diplomatiques avec les états du bloc hitlérien, le gouvernement de Vichy du maréchal Pétain fut reconnu par Staline.

Avant d’évoquer la victoire, il est légitime d’évoquer l’indescriptible débâcle de juin 1941, et les invraisemblables pertes subies par l’armée rouge. A la fin de 1941, la Wehrmacht avait perdu 300.000 hommes, tandis que l’armée rouge déplorait 1.200.000 morts et presque 4 millions de prisonniers. Le niveau du patriotisme et l’amour éprouvé envers le parti communiste était si bas qu’en septembre 1941 l’instruction n° 001919 préconisait la création d’unités chargées de tirer sur les soldats qui reculaient devant l’ennemi. Le 28 juillet 1941, Staline donnait ordre, par son instruction n° 227, « ne plus faire un pas arrière ». Toute tentative de reculade était assimilée à un acte de trahison et était passible du tribunal militaire, le plus souvent les accusés étaient passés par les armes sur place. En six mois,  le NKVD a procédé à l’arrestation de 685.000 déserteurs,  pour la durée de la guerre l’estimation de la désertion s’élève à environ 1 million d’hommes.

En Union Soviétique la population,  mécontente du stalinisme, espérait une libération de la part des Allemands. A son arrivée, la Wehrmacht a été bien accueillie en Ukraine, en Biélorussie et même en Russie (l’accueil chaleureux de Smolensk, en fait foi). En définitive, le désenchantement a été aussi rapide que brutal. Les Ukrainiens, à la différence des Russes, souhaitaient non seulement l’effondrement  du totalitarisme stalinien mais espéraient que cet effondrement aboutirait à une libération nationale.

L’Allemagne nazie a occupé la totalité de la République socialiste soviétique d’Ukraine contre moins de 20% de la République socialiste soviétique fédérative de Russie. Or, la population de toute l’Ukraine était bien plus importante que celle des territoires russes occupés. De plus, l’occupation allemande en Ukraine a duré plus longtemps que celle des régions occidentales de la Russie. On admet que les Ukrainiens présents dans les formations de la Wehrmacht, SS et police étaient d’environ 250.000. Concernant les Russes, l’estimation varie de plus de 300.000 à 800.000,  selon la méthode de calcul. Ces chiffres font apparaître qu’en pourcentage, il y a eu beaucoup plus de collaborateurs russes qu’ukrainiens.

En Ukraine, les nazis ont exécuté plus de 3.500.000 civils ainsi qu’un million de prisonniers de guerre qui périrent dans des conditions d’internement totalement inhumaine. Sur 7 millions de soldats ukrainiens mobilisés, près de la moitié est tombée au champ d’honneur.

Du 1er janvier 1941 au 1er janvier 1945, la population de la république socialiste soviétique d’Ukraine est passée de 41 millions à 27 millions 400.000. Chaque goutte de sang et chaque larme du peuple ukrainien doivent être connues par les générations à venir.

Pour Vladimir Poutine qui prétend que la plus grande catastrophe géopolitique du 20ième siècle est l’effondrement de l’URSS, la « grande guerre patriotique » fait partie de son idéologie et sert à réanimer le mythe soviétique et à l’exporter. L’espace post soviétique est particulièrement visé par ce mythe soviétique qui tente de faire oublier l’effondrement de l’URSS et sa défaite dans la guerre froide. Ce mythe de la grande guerre patriotique est l’instrument de la tentative de rétablissement de l’influence russe.

L’Ukraine, contrairement à la Russie, condamne les crimes du communisme, l’ouverture des archives des services secrets y a fortement contribué. En revanche, en Russie, une réhabilitation du communisme et de la personne de Staline est en cours. De nos jours, Staline est la troisième personne préférée des Russes.

L’annexion illégale de la Crimée, la guerre dans l’Est ukrainien, sont les conséquences de la politique revancharde du Kremlin. Toutes les victimes de la seconde guerre mondiale, quelle que soit leur nationalité ou  religion, ont droit au respect et ne doivent pas servir à assouvir des instincts de revanche impérialiste.

Ne laissons pas l’interprétation de l’histoire s’opérer sous nos yeux, ne tolérons pas la violation du droit international.

Le procès du MH-17 étale les preuves de l’implication russe

Après plus de cinq ans d’enquête, un procès s’est enfin ouvert le 9 mars 2020 au tribunal de Schiphol, dans la banlieue d’Amsterdam. Il s’agit de juger les responsables de la mort de 298 personnes qui se trouvaient à bord du Boeing 777 de la Malaysian Airlines, abattu par un missile BUK dans l’est ukrainien, en pleine guerre déclenchée par la Russie, le 17 juillet 2014. L’enquête sur le crash de cet avion de ligne effectuant un trajet entre Amsterdam et Kuala Lumpur a été confié au Groupe international d’enquête mixte (JIT) composé de 5 pays : les Pays-Bas, l’Ukraine, l’Australie, la Belgique et la Malaisie.

Chacun de ces pays a fourni des enquêteurs qui ont rassemblé des preuves, mené des enquêtes, effectué des expertises et des interrogatoires de témoins. Le bureau du procureur a rassemblé un dossier d’enquête qui fait 36000 pages, auxquelles s’ajoutent 6000 fichiers multimédias. Le dossier fait à lui seul 102 volumes. « Beaucoup de vidéos en « open source » ont été étudiées et des conversations téléphoniques ont fait l’objet d’exploitations », a expliqué le procureur néerlandais Thijs Berger en présentant l’acte d’accusation.

Les quatre suspects, parmi lesquels trois Russes et un Ukrainien qui a rejoint les rebelles, brillent par leur absence. En ce qui concerne les citoyens russes, il s’agit d’un ex-officier des services de sécurité, le FSB, et ancien « ministre de la défense » de la République autoproclamée de Donetsk (DNR) Igor Girkin, du général du service de renseignement militaire russe, le GRU, et chef du service de renseignement de la « DNR » Sergueï Doubinskiy ainsi que du lieutenant-colonel du GRU Oleg Poulatov. L’Ukrainien se nomme Leonid Harchenko et il combattait du côté des rebelles.

Les autorités néerlandaises ont fait preuve d’insistance pour retrouver et convoquer les quatre hommes. Ainsi, pour l’Ukrainien qui se cache actuellement sur le territoire du Donbass qui n’est pas sous le contrôle de l’Ukraine, le Parquet a retrouvé son profil sur le réseau social russe VKontakte pour informer ce dernier de sa convocation par message privé. « Le message de la Cour a été consulté le 19 juillet à partir d’une adresse IP à Donetsk. Le 20 juillet, le profil a été retiré du réseau VK », a déclaré le juge du Tribunal de Schiphol Hendrik Steenhuis.

Seul Oleg Poulatov a exprimé le désir d’être représenté lors des audiences par des avocats néerlandais et une avocate russe. Bien que l’avocate n’ait pas le droit de plaider, elle a toutefois un accès illimité au dossier d’instruction, ce qui fait redouter des risques de fuites d’informations hautement sensibles. Rappelons, que la Russie nie farouchement toute implication dans cette affaire, rejetant la faute sur l’Ukraine.

Afin de détourner les soupçons, les propagandistes du Kremlin créent des versions multiples et invraisemblables de la catastrophe, brouillant les pistes pour ralentir l’enquête. Pourtant, le groupe d’enquête international a pu établir que l’avion avait été abattu par un missile de fabrication russe de type BUK, et provenant de la 53e brigade antiaérienne des forces armées russes stationnée à Koursk, en Russie. Les Pays-Bas et l’Australie qui comptent le plus grand nombre de victime dans cette tragédie, ont officiellement accusé la Russie d’être impliquée dans la tragédie. D’après les résultats de l’enquête, les quatre suspects avaient directement participé à l’acheminement du missile BUK depuis la Russie jusqu’au Donbass, avant que celui-ci ne soit tiré par des personnes qui ne sont pas encore identifiées.

Il est probable que le tribunal ne se limitera pas à juger ce quatuor, et que de nouvelles inculpations seront prononcées. C’est peut-être la raison pour laquelle la Russie tente d’empêcher les enquêteurs de remonter le fil qui pourrait bien conduire à des personnalités politiques russes de très haute importance. D’autant qu’à la mi-novembre 2019, les enquêteurs ont dévoilé le contenu de conversations téléphoniques révélant des «liens étroits» entre les quatre accusés et de hauts responsables russes, dont le ministre de la Défense Sergueï Choïgou et un proche conseiller de Vladimir Poutine, Vladislav Sourkov.

« Établir la justice dans l’affaire du MH-17 est une question complexe, note l’ambassadeur de l’Ukraine aux Pays-Bas, Vsevolod Chentsov. En plus de se prononcer sur la responsabilité de personnes concrètes, il convient de répondre à la question suivante : comment les armes avec lesquelles l’avion a été abattu sont arrivées en Ukraine ? Est-ce que ce tir est le résultat d’une négligence, d’une erreur ou d’une action planifiée ? En conséquence, la question posée est celle de la responsabilité d’un Etat et des organes de cet Etat pour cette action ».

Parmi toutes les preuves rassemblées par les enquêteurs, le Parquet peut également compter sur au moins 14 témoins qui ont formulé une demande auprès du Tribunal afin que leur identité ne soit pas dévoilée. Au deuxième jour d’audience, la question des témoins du crash du vol MH-17 a été longuement évoquée par les trois procureurs néerlandais. Ils ont souligné les risques importants et le danger encouru par ceux-ci. Afin de protéger les témoins, des numéros ont dû remplacer leurs noms de famille. Le témoin C21 était un des subordonnés du suspect Leonid Harchenko et a été impliqué dans le transport du missile BUK. Alors que le témoin M58 a apporté un témoignage concernant les personnes présentes sur le lieu du lancement du missile.

« Les témoins prennent de gros risques. Nous avons dû assurer leur protection afin qu’ils puissent témoigner sans que leur vie et leur santé ne soient menacées. Cela s’applique également aux témoins, dont les proches vivent sur les territoires occupés », a déclaré le procureur néerlandais Thijs Berger. Il a également souligné de nombreux cas de violations des droits de l’homme sur les territoires occupés. « L’un des témoins nous a dit qu’il craignait pour sa sécurité et que des personnes armées lui ont rendu visite à deux reprises. Il a donc dû quitter son lieu de résidence », a déclaré le procureur. Selon lui, certains témoins ont dit craindre des menaces de la Russie, en particulier des services spéciaux russes, et ont peur des représailles. Ils ont insisté pour conserver leur anonymat.

Les Pays-Bas n’ayant décrété aucun confinement pour le moment, malgré l’épidémie de Coronavirus qui touche l’Europe de plein fouet, les audiences dans cette affaire devraient reprendre le 23 mars. Selon les estimations de la justice néerlandaise, le procès pourrait durer entre 4 et 5 ans.  

Par Anna Jaillard Chesanovska